31 minutes et 27 secondes, c’est le temps qu’il a fallu pour détruire la carrière de Loris Karius. Deux fautes de main, c’est le nombre d’erreurs qui a suffi à précipiter Karius dans un abysse sans fin. Comment Loris Karius a-t-il surmonté ses difficultés et réussi à rebondir dans sa carrière ?
Un avenir radieux
Né en 1993 à Biberach an der Riß, une petite ville du sud de l’Allemagne, Loris Karius est très vite attiré par le sport, d’abord par la moto, puis rapidement par le football. Il commence le football à 5 ans en tant qu’attaquant dans le club de sa région, mais c’est en tant que gardien de but qu’il se révèle talentueux. Quelques années plus tard, il rejoint le VfB Stuttgart, l’un des meilleurs centres de formation de son pays.
À 16 ans, il quitte l’Allemagne pour rejoindre Manchester City. Après deux ans sans parvenir à intégrer l’équipe première, Loris Karius décide, à 17 ans, de revenir en Allemagne pour obtenir du temps de jeu. En 2011, il signe au 1. FSV Mayence 05 (Mainz 05), un club de Bundesliga. À 20 ans, il devient titulaire et enchaîne les performances solides. Il est même élu meilleur gardien U21 de Bundesliga lors de la saison 2015-2016.
(Loris Karius à Mayence lors de la saison 2015-2016 © Fredrik von Erichsen/dpa)
En mai 2016, Karius est repéré par Jürgen Klopp (alors entraîneur de Liverpool), qui le fait venir chez les Reds pour environ 6 millions d’euros. Il est en concurrence avec le gardien belge Simon Mignolet. Klopp décide d’utiliser Karius en Ligue des Champions et en coupes nationales, laissant Mignolet titulaire en championnat. Mais à la mi-saison, Karius récupère le poste de titulaire en Premier League, après une série de bonnes performances en Europe. Il enchaîne alors de très bons matchs, notamment en Ligue des Champions. L’équipe de Klopp est flamboyante offensivement (avec Salah, Mané, Firmino), et le 2 mai 2018, Liverpool se qualifie pour la finale de la Ligue des Champions pour la première fois depuis 2007. Karius est le gardien titulaire désigné, ayant disputé presque tout le parcours.
(Loris Karius s'entraînant au côté de Simon Mignolet © liverpoolfc)
Une finale qui a suffi à tout précipiter
Nous sommes le 26 mai 2018, dans le Stade olympique de Kiev, en Ukraine. Liverpool est confronté au monstre madrilène, qui domine la Ligue des Champions depuis deux ans : le Real Madrid. Loris Karius est titulaire et s’apprête à vivre le plus grand match de sa carrière. Mais il ne sait pas encore qu’il va aussi vivre la nuit la plus douloureuse de sa vie.
Le coup d’envoi est donné à 21 heures, dans une atmosphère électrique et survoltée. Durant les 25 premières minutes, les équipes se jaugent et se contrôlent parfaitement. Loris Karius est là où il faut, quand il faut. Aucun problème à l’horizon. Mais le match bascule une première fois : Sergio Ramos accroche Mohamed Salah au bras. L’Égyptien, star de l’équipe, tombe lourdement sur l’épaule et se tord de douleur. Salah sort en larmes. Liverpool tient jusqu’à la pause, et les supporters anglais osent encore rêver. Le score est de 0-0. Liverpool tient tête au grand Real Madrid.
Mais à la 51e minute, premier cauchemar pour le gardien allemand ! Karius récupère le ballon dans ses bras après un appel dans la profondeur de Benzema, bien trop long. Il veut relancer rapidement à la main pour surprendre les Madrilènes. Mais dans sa précipitation, il ne voit pas que l’attaquant français est toujours là. Le ballon est dévié par Benzema… et file directement dans les filets. Les mains sur la tête, Karius n’en revient pas.
(Loris Karius commettant sa première erreur © liverpoolfc)
Liverpool ne lâche pas. Quelques minutes après ce coup de massue, Sadio Mané égalise de la tête, sur corner. Les Reds reviennent à 1-1. Zidane lance Gareth Bale. Deux minutes plus tard, le Gallois inscrit l’un des plus beaux buts de l’histoire des finales : une bicyclette prodigieuse dans la lucarne. 2-1 pour le Real. Karius, impuissant cette fois, regarde le ballon filer sous la barre. Rien à se reprocher. Pas encore.
À 2-1, Liverpool pousse. Mais en fin de match, Bale déclenche une frappe puissante de loin, flottante, à l’allure inoffensive. Le ballon est cadré, mais le gardien le repousse mal : il glisse entre ses mains, rebondit… et finit au fond. Deuxième erreur. Deuxième cauchemar. Cette fois, Karius se jette au sol, la tête contre la pelouse. Il sait qu’il a perdu plus qu’un match.
(Loris Karius commettant une faute de main entraînant le 3-ème buts madrilène erreur ©EFE)
Après la finale, l’incompréhension est totale. Comment un gardien à ce niveau peut-il commettre deux erreurs aussi inhabituelles dans une finale européenne ? Quelques jours plus tard, Karius subit des tests neurologiques. Résultat : les médecins révèlent qu’il a subi une commotion cérébrale après un choc avec Sergio Ramos (juste avant le premier but). Le coup à la tête aurait affecté sa vision et sa prise de décision.
(Loris Karius, seul et effondré après la défaite de Liverpool ©DARKO VOJINOVIC / AP)
Malgré cela, et malgré les nombreuses excuses de l’Allemand, le public ne l’épargne pas : insultes, menaces de mort, moqueries, sifflets. Et pour couronner le tout, Liverpool recrute Alisson Becker au poste de gardien. Karius est donc prêté à Beşiktaş, en Turquie. Il ne rejouera jamais pour Liverpool.
Une descente aux enfers interminable
À son arrivée à Istanbul, il est parfaitement accueilli. Les débuts sont bons : il enchaîne les titularisations, dispute 67 matchs toutes compétitions confondues, effectue des arrêts décisifs. Mais au fil des mois, des signes d’inconstance apparaissent. En 2019, Karius saisit la FIFA : il accuse Beşiktaş de salaires impayés sur plusieurs mois. La situation dégénère rapidement. Le club nie d’abord, puis reconnaît partiellement le problème. Cette plainte crée une cassure définitive entre lui et la direction. Il continue de jouer, mais dans un climat de défiance. En coulisses, il est isolé et visiblement atteint mentalement.
En mai 2020, il rompt son contrat prématurément et quitte la Turquie sans honneurs. Karius revient donc à Liverpool. Mais il n’est plus personne. Ignoré par Klopp, même pour les matchs de coupe. Il ne figure pas une seule fois sur la feuille de match. Pire : lors de certains entraînements, il travaille avec les jeunes ou séparément. Mentalement, cette période est extrêmement dure. Il est toujours sous contrat, mais invisible.
En septembre 2020, Liverpool le prête à l’Union Berlin, un club en pleine ascension en Bundesliga. C’est un retour dans son pays natal, une occasion de se relancer dans un championnat qu’il connaît. Mais là aussi, les choses tournent mal. Le gardien titulaire, Andreas Luthe, enchaîne les bonnes performances. Karius ne joue que 5 petits matchs, principalement en coupe et en fin de saison. L'entraîneur Urs Fischer ne lui fait pas confiance comme titulaire. Karius quitte le club à la fin du prêt, sans avoir pu redorer son blason.
(Loris Karius à l'Union Berlin ©Imago)
De retour à Liverpool, il est désormais le 4e voire 5e gardien, derrière Alisson, Adrián et le jeune Kelleher. Il n’est même pas inscrit en Ligue des Champions, ni convoqué pour les matchs de coupe. Klopp déclare brièvement qu’il est « disponible si besoin », mais ne le sollicite jamais. Karius ne joue aucun match pendant deux saisons entières avec Liverpool. Deux années blanches, deux années perdues.
En septembre 2022, nouveau rebondissement : Newcastle, qui perd son gardien remplaçant sur blessure, contacte Karius. Il signe un contrat court comme 3e/4e gardien. La surprise est générale. Beaucoup pensent qu’il ne jouera jamais. Mais en février 2023, un nouveau coup du destin change la donne : Nick Pope, gardien titulaire, est suspendu / Martin Dúbravka est inéligible (ayant déjà joué la Coupe de la Ligue avec Manchester United) / Le n°3 Karl Darlow est blessé. Ainsi, Karius est titularisé pour la finale de la Carabao Cup face à Manchester United, à Wembley.
Ce soir-là, Karius réalise un bon match, malgré la défaite 2-0. Il effectue plusieurs parades. Il est applaudi par le public. Malheureusement pour lui, il ne rejouera pas après cette finale, mais prolonge une saison supplémentaire à Newcastle.
(Loris Karius hauteur d'une parade exceptionnelle lors de la finale de la Carabao Cup ©AFP via Getty Images)
Une lueur d’espoir ?
Après son départ de Newcastle à l'été 2024, Loris Karius connaît une période sans club de plusieurs mois. En janvier 2025, il signe un contrat de six mois avec le FC Schalke 04, club historique allemand évoluant en 2. Bundesliga. Depuis son arrivée, il dispute trois matchs de championnat. Il débute le 28 février contre Preußen Münster, réalisant une prestation solide qui permet à son équipe de s’imposer 1-0 grâce à un but tardif de Pape Gueye. Karius effectue plusieurs arrêts décisifs, dont deux particulièrement remarqués en fin de match, contribuant ainsi à préserver la victoire et à obtenir un premier clean sheet après une longue période sans compétition officielle.
(Loris Karius reprend confiance avec Schalke ©ČTK)
Il enchaîne ensuite avec une victoire 2-1 contre le Hertha BSC, où son équipe profite de la maladresse offensive des Berlinois. Malheureusement, lors de son troisième match, contre Hanovre 96, Karius est contraint de quitter le terrain en raison d’une blessure musculaire à la jambe gauche, diagnostiquée comme une lésion musculaire structurelle. Cette blessure l’écarte des terrains pour le reste de la saison 2024-2025.
(Loris Karius se blesse avec Schalke ©Bundesliga)
Malgré cela, Karius exprime son désir de prolonger son contrat avec Schalke, qui expire en juin 2025. Le club envisage une prolongation, bien que des préoccupations subsistent concernant sa condition physique et sa propension aux blessures.
Ainsi Loris Karius est un véritable exemple de résilience dans le monde du football, un sport où la moindre erreur peut marquer profondément une carrière. Aujourd’hui, à l’approche de ses 32 ans, il semble épanoui dans son pays natal. Espérons qu’il pourra profiter pleinement de ses dernières années de carrière et, pourquoi pas, aider Schalke à remonter en Bundesliga ...
(Crédits images : Getty Images/picture-alliance/AA/I. Terli/Anthony Bibard/@News)